Pour le ministre ukrainien des Affaires étrangères, les 61 milliards de dollars ne suffisent pas

Suite à l’adoption par le Congrès américain d’un budget supplémentaire de 61 milliards de dollars pour l’Ukraine (voir AS 17/24), le chef de la diplomatie de Kiev, Dmytro Kuleba, s’est félicité de ce vote, tout en précisant au Guardian (24 avril) que ce n’était pas suffisant pour « arrêter les Russes ». « L’Occident doit comprendre que l’ère de la paix en Europe est révolue », a-t-il déclaré. Autrement dit, la guerre et la mobilisation de guerre ne sont pas près de s’arrêter, ce qui est parfaitement en phase avec les appels lancés par de nombreux dirigeants européens en faveur de la mise en œuvre d’une « économie de guerre ».

Pendant ce temps, sur le terrain, les forces ukrainiennes continuent de subir des revers. Le commandant-en-chef des forces armées, le général Oleksandr Syrskyi, vient de faire état d’un recul tactique dans d’autres villages de l’est du pays. Rappelons que Syrskyi avait été nommé début février, après la démission forcée de son prédécesseur, le général Zaluzhny, pour avoir admis que la guerre était « dans une impasse » (voir AS 45, 49/23). Néanmoins, les États-Unis viennent d’allouer leur plus important programme d’aide militaire à ce jour, à hauteur de 6,1 milliards de dollars (sur les 61 milliards), pour l’achat de nouveaux équipements censés renforcer les systèmes Patriot, les défenses aériennes et les munitions de l’Ukraine – le tout devant être produit par l’industrie de défense américaine.

Entre-temps, les pertes en vies humaines sont si élevées que le cabinet ukrainien a décrété que tous les hommes de 18 à 60 ans jugés aptes au service militaire devront renouveler leur passeport en Ukraine même, obligeant ceux qui se sont réfugiés à l’étranger à revenir dans leur pays, où ils seront vraisemblablement enrôlés. Selon Eurostat, quelque 860 000 Ukrainiens âgés de 18 ans ou plus vivent actuellement dans des pays de l’UE.

Bien entendu, la perspective de guerre permanente est soutenue par l’Institut royal des Affaires Internationales de Londres, autrement connu comme le groupe de réflexion de la monarchie britannique. Dans un essai paru le 26 avril, l’auteure polonaise Olga Tokariuk plaide pour un accord à plus long terme, prévoyant que l’Occident poursuive indéfiniment le financement de la machine de guerre de Kiev, sans se soucier des considérations politiques des pays bailleurs de fonds. Elle prévient toutefois qu’il « ne faut pas trop compter sur le soutien des États-Unis. L’Europe aussi doit agir, en profitant du temps que l’Ukraine lui a fait gagner pour s’occuper sérieusement de sa défense. »

Ajoutons à cela que le président Zelensky a annoncé qu’il souhaitait conclure un accord de sécurité de dix ans avec les États-Unis, similaire à ceux déjà signés avec la France, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et d’autres pays européens. Il s’agit d’une tentative de contourner l’adhésion formelle de l’Ukraine à l’OTAN en la remplaçant par des accords de sécurité bilatéraux avec des États membres.

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