L’UE propose une économie de guerre repeinte en vert

Ancien banquier d’affaires, ancien directeur de banque centrale et ancien Premier ministre italien, Mario Draghi a soumis le rapport sur L’avenir de la compétitivité européenne dont l’avait chargé la présidente de la Commission européenne réélue sans enthousiasme, Ursula von der Leyen. L’aspect le plus étonnant de ce rapport est qu’il a été réalisé sous la direction de deux personnes, Draghi et von der Leyen, dont les prévisions économiques se sont toutes révélées fausses, et qui ont précipité l’Europe dans une guerre avec la Russie. Selon Mario Draghi, les sanctions devaient mettre la Russie à genoux, et son nouveau rapport s’appuie sur les mêmes analyses.

Quant au contenu, censé devenir la politique de la Commission von der Leyen bis, il décrit un projet d’économie de guerre schachtienne en vert, à financer avec un minimum de 750 à 800 milliards d’euros par an, par le biais d’émissions communes de dette de l’UE. Afin de faciliter la gouvernance du projet, Draghi propose d’abandonner le système actuel de vote à l’unanimité au profit d’un vote à la majorité qualifiée.

Avec une bonne dose d’hypocrisie, Draghi déplore une perte de productivité due aux coûts élevés de l’énergie, du fait que « l’Europe a brusquement perdu son plus important fournisseur d’énergie, la Russie », alors que c’est lui-même qui a voulu le découplage avec le gaz russe. En conséquence, les pays membres de l’UE importent du GNL des États-Unis, qu’ils payent quatre fois plus cher que le gaz russe transporté par gazoduc.

Bien qu’affirmant, à juste titre, que « si l’UE maintenait son taux de croissance moyen de la productivité depuis 2015, cela ne suffirait qu’à maintenir le PIB à un niveau constant jusqu’en 2050 », la solution qu’il propose, à savoir la décarbonation et le réarmement, fera chuter encore plus la productivité.

Un aspect clé du plan est l’élimination totale des banques traditionnelles. « L’UE s’appuie excessivement sur le financement bancaire, qui est moins adapté au financement de projets innovants et se trouve confronté à plusieurs contraintes », constate le rapport, qui appelle à une émission massive d’actifs de la dette de l’UE, à commercialiser dans le cadre de l’Union des marchés de capitaux (UMC). « Il est incontestable que l’émission d’un actif sûr commun rendrait l’UMC beaucoup plus facile à réaliser et plus complète. » Il propose donc l’émission régulière d’actifs sûrs, communs, destinés à des projets d’investissement conjoints et permettant de mieux intégrer les marchés de capitaux.

Il affirme aussi que le secteur privé ne sera pas en mesure de fournir « la plus grande partie du financement des investissements sans le soutien du secteur public ». Autrement dit, davantage de réductions budgétaires et d’impôts au niveau national.

On peut cependant douter que ce plan schachtien soit un jour mis en œuvre. La composition de la nouvelle Commission a été retardée parce que les gouvernements libéraux et verts ne veulent pas du candidat italien au poste de vice-président exécutif. Par ailleurs, le 16 septembre, Thierry Breton a démissionné de son poste de commissaire chargé du marché intérieur, du numérique et de la défense, accusant Ursula von der Leyen de mauvaise gouvernance. Breton, qui, au sein de la précédente Commission, avait explicitement plaidé en faveur d’une « économie de guerre », espérait peut-être devenir « ministre de la défense » de l’UE. Également auteur de la législation contre la liberté d’expression (Loi sur les services numériques), il est cependant allé trop loin en menaçant d’interdire la messagerie X à la veille de l’interview d’Elon Musk avec Donald Trump.