Bruxelles et les gouvernements des Etats membres prennent une grosse claque

Le Parlement de l’Union européenne, cette institution qui aime donner des leçons de démocratie au reste du monde, n’a en réalité que peu de pouvoir. Il ne peut pas légiférer de sa propre initiative et ne peut même pas se dissoudre. Sa fonction par rapport à la Commission, l’exécutif de l’Union, est similaire à celle des organes consultatifs dans les monarchies absolues. Il n’intervient qu’une seule fois au cours d’une législature donnée, pour élire la Commission européenne au début de sa législature quinquennale. Mais même dans ce cas, le PE est plus ou moins tenu par les accords conclus au sein du Conseil européen, où les gouvernements des États membres se mettent d’accord pour désigner le prochain chef de la Commission, qui sera ensuite soumis au vote des eurodéputés.

Ceci dit, l’importance politique des élections européennes du 6 au 9 juin ne doit pas être sous-estimée. Les citoyens ont rejeté les principaux gouvernements en place, à une exception près, sapant ainsi la légitimité des politiques qu’ils défendent en faveur de la guerre et du Green Deal. Plus particulièrement, le moteur de l’UE, l’alliance franco-allemande, a subi une défaite cuisante, la coalition allemande atteignant à peine 30 % des voix et le parti d’Emmanuel Macron en obtenant deux fois moins que son principal adversaire, le Rassemblement national (voir ci-dessous). (Dans un effort de sauve qui peut, le président Macron a aussitôt annoncé la tenue d’élections législatives, un pari risqué.)

Même le bon score de la coalition italienne de centre-droit, dirigée par la Première ministre Giorgia Meloni, peut être en partie considéré comme un vote contre Bruxelles, car tous ces partis s’opposaient aux excès du Green Deal et critiquaient la position du président Macron et du chancelier Scholz en faveur d’une implication directe dans des frappes militaires ukrainiennes contre le sol russe.

Il s’agit donc en quelque sorte d’un référendum populaire contre les politiques de l’UE. Dans un pays démocratique, une telle condamnation de la part des citoyens doit être prise en compte. Mais dans l’UE, la démocratie étant un produit réservé à l’exportation, on peut s’attendre à ce que, en dépit de leur perte de légitimité, les dirigeants européens s’en tiennent à leur ordre du jour, à commencer par l’élection du prochain président de la Commission européenne.

Lorsque le Conseil de l’UE se réunira fin juin, il trouvera sur la table le nom d’Ursula von der Leyen, candidate du Parti populaire européen (PPE), le « vainqueur » des élections, qui espère remporter un second mandat. Elle a besoin d’une majorité de 55 % au Conseil, issue de pays représentant 65% des citoyens européens. Cette formule complique les choses : aucun des quatre plus grands pays en matière de population n’est dirigé par un parti appartenant au PPE. Un compromis doit donc être trouvé et l’ancien président de la BCE, Mario Draghi, reste une option possible.

En outre, le candidat du Conseil doit ensuite être élu par les eurodéputés. Traditionnellement, le PE approuve les accords conclus par le Conseil européen, et la « majorité d’Ursula » (une grande coalition de centristes, de libéraux et de socialistes), bien qu’affaiblie, dispose toujours d’une petite majorité sur le papier. Mais certains pourraient faire faux bond. La composante libérale et socialiste de la coalition a déjà exprimé son mécontentement face à l’ouverture de Mme von der Leyen aux factions de droite. Une surprise n’est donc pas à exclure.