Compte-Rendu: « L’Europe au lendemain des élections européennes et la majorité globale »

Sur le thème « Le monde au bord du gouffre – Pour une nouvelle paix de Westphalie », la conférence internationale de l’Institut Schiller du weekend dernier a fourni une plate-forme pour examiner la nature des crises qui sévissent actuellement, mais aussi et surtout, pour débattre des principes permettant de les résoudre. Nous vous avions présenté un programme préliminaire dans notre numéro précédent, et sa version finale, ainsi que le compte rendu complet des deux journées, sont désormais disponibles ici.

Au cœur de la première session, l’échec patent de la tentative de l’Occident collectif d’affirmer la domination mondiale du système néolibéral. De nombreux aspects de cet échec ont été abordés, en particulier l’incompétence des dirigeants transatlantiques, l’absence de diplomatie et le rejet des politiques de l’Union européenne qui s’est manifesté dans les dernières élections au Parlement européen (voir AS 4/24).

La présidente de l’Institut Schiller, Helga Zepp-LaRouche, a ouvert les deux journées en posant la question clé : « Comment en sommes-nous arrivés au seuil d’une troisième guerre mondiale ? » Marqueurs de ce danger, elle cita l’incapacité de l’Ukraine (c’est-à-dire de l’OTAN) à vaincre la Russie sur le champ de bataille et les récentes frappes contre deux des dix installations d’alerte précoce en Russie. Globalement, souligna-t-elle, « nous sommes arrivés à la fin d’une époque », celle du colonialisme et du néocolonialisme, et il est essentiel d’en sortir. « Nous avons besoin d’un nouveau système, et la bonne nouvelle, ignorée par les médias occidentaux, est qu’« un nouveau système mondial est en train d’émerger, un système polycentrique, harmonieux et multi-nodal », ou, pour reprendre l’expression de Xi Jinping, une communauté de dessein partagé par toute l’humanité.

« C’est une belle idée qui existe depuis de nombreux siècles, elle n’est pas nouvelle. » Dans ce contexte, Mme LaRouche a évoqué les changements fondamentaux en ce sens promus par de grandes figures du passé, telles que Gottfried Leibniz (1646-1716) et Friedrich List (1789-1846) en Allemagne, ou encore Cai Yuanpei (1868-1940) en Chine. « Il ne s’agit plus d’une vision pour l’avenir, mais bien du présent, a-t-elle conclu. Aussi, plutôt que de se laisser entraîner dans une guerre mondiale nucléaire, qui serait la dernière, rejoignons la Majorité mondiale. »

Garantir la sécurité de tous

Les autres intervenants, originaires des États-Unis, d’Allemagne, de France, de Suisse, de Biélorussie et de Russie, ont tous reconnu l’urgence d’agir pour résoudre les crises actuelles, tout en apportant des visions et des priorités différentes. L’ancien ambassadeur américain Chas Freeman, spécialiste des relations sino-américaines, a dénoncé fermement la politique de guerre économique et d’affrontement militaire, menée par l’establishment américain contre des ennemis présumés dans le monde entier, sans perspective d’issue. Il a également soutenu l’idée d’une nouvelle paix de Westphalie.

Deux participants biélorusses ont confirmé ce que les partisans de la paix en Eurasie disent depuis des années. Olga Lazorkina, présidente du département de politique étrangère de l’Institut biélorusse de recherche stratégique (BISR), a souligné la nécessité pour les nations de « trouver un terrain d’entente », et son collègue Vitaly Romanovsky, également du BISR, a passé en revue le rôle de Minsk ces dernières années, dans les efforts de paix pour l’Ukraine.

Les quatre intervenants issus du monde militaire et d’associations affiliées se sont montrés particulièrement directs. Le colonel Alain Corvez (cr), ancien conseiller au ministère français de l’Intérieur, a cité Nietzsche pour expliquer l’état de démence qui affecte les dirigeants occidentaux. Ils sont en plein nihilisme, incapables de pensée rationnelle. Les États-Unis sont un hégémon qui ne reconnaît pas la perte de sa domination. Lui aussi a soutenu l’idée d’une mobilisation générale en faveur d’une approche inspirée de la paix de Westphalie. Sa compatriote, Caroline Galactéros, politologue et colonel de réserve, a appelé la France à « se désaligner » des États-Unis et de leur politique de guerre, et à unir ses forces à celles des partisans de la stabilisation et de la sécurité. Nous devons « sauver ce qui reste de l’Ukraine », a-t-elle déclaré.

De Suisse, le lieutenant-colonel Robert Bosshard (cr) a donné des renseignements militaires tendant à prouver que « nous sommes dans une impasse mondiale » en ce qui concerne l’Ukraine et d’autres pays. Affirmer que la Russie veut avancer jusqu’à Berlin, ou même Berne, relève, selon lui, soit d’une sous-estimation de ce qu’une telle offensive implique, soit de l’incompétence, soit tout simplement de la « pure propagande ».

Rainer Rupp, expert allemand en renseignement militaire, qui a travaillé pour l’OTAN de 1977 à 1993 dans le cadre des exercices nucléaires simulés Wintex (exercices d’hiver), a décrit l’état d’esprit qu’il a constaté de première main, à savoir que les dirigeants américains, britanniques et d’autres pays de l’OTAN ne tiennent aucun compte des pertes massives de vie que leur politique pourrait provoquer en Europe.

Georgy Toloraya, directeur du Centre de stratégie asiatique de l’Institut d’économie de l’Académie russe des sciences, a rappelé le grand discours prononcé le 14 juin par Vladimir Poutine sur les propositions relatives à la sécurité eurasienne et mondiale. Cela implique le « Sud global » et l’« Est global », ainsi que de nouvelles configurations active, telles que les BRICS.

Au cours de la discussion, Helga Zepp-LaRouche a souligné que la guerre est « le résultat d’une profonde crise culturelle » en Occident. Selon elle, la période actuelle de trois à six mois est la plus dangereuse de l’histoire. C’est pourquoi nous devons mettre en place un processus de dialogue dans le monde entier, en incitant les citoyens à agir.

La Majorité mondiale a droit au développement

La deuxième session, intitulée « Les aspirations de la Majorité mondiale en matière de développement », a réuni six intervenants représentant l’Amérique du Sud, l’Europe et la Palestine. Le décor a été planté par un extrait vidéo d’une conférence en Allemagne (le 4 mai 2001), où Lyndon LaRouche se penche sur les opportunités de développement en Eurasie et en Afrique. Il y présente l’idée de corridors de développement « de l’Atlantique au Pacifique », rayonnant dans toutes les directions – ceci bien des années avant le lancement, le 13 septembre 2013, de l’initiative chinoise « la Ceinture et la Route ».

L’ancien président du Guyana, Donald Ramotar, a brossé un tableau de l’exploitation économique, depuis des décennies, de son pays et d’autres nations en Amérique du Sud, ainsi que des perspectives offertes par les BRICS. Henry Baldelomar, professeur d’affaires internationales à l’université de Nur, à Santa Cruz, en Bolivie, a présenté des projets comme le nouveau corridor ferroviaire bi-océanique, reliant les océans Pacifique et Atlantique.

Contrastant avec cette perspective de croissance, des rapports en provenance d’Europe ont brossé le tableau d’un effondrement économique et social inutile, résultant de politiques destructrices. Dans une interview préenregistrée intitulée « Quo Vadis, Germany ? », Folker Hellmeyer, économiste en chef de Netfonds AG (Allemagne), a évoqué des problèmes fondamentaux tels que le manque d’énergie et son prix inabordable, dénonçant l’impact négatif des sanctions imposées à la Russie. Laszlo Ungvari, président (émérite) de l’Université de technologie de Wildau, a fait part de sa déception face à ce que l’Europe est devenue, avec ses hommes politiques arrogants et incultes et ses jeunes sans avenir.

Ancien sous-secrétaire d’État au ministère italien du Développement économique, Michele Geraci, économiste italien et expert de la Chine, a expliqué ce que des relations « gagnant-gagnant » entre les nations signifieraient pour leur développement économique mutuel.

Dès le début de son discours, insistant sur la nécessité d’un État palestinien, l’ambassadeur de la Palestine au Danemark, le professeur Manuel Hassassian, a évoqué le Plan Oasis conçu par Lyndon LaRouche. Avec sa perspective pour rendre disponibles l’eau, l’électricité et toutes les autres infrastructures nécessaires, il offre une bonne base pour l’avenir, a-t-il reconnu. Si nous ne résolvons pas ce problème, la prochaine guerre sera celle de l’eau. L’ambassadeur a, bien sûr, évoqué également le conflit en Palestine et la lutte du peuple palestinien pour obtenir justice.

Les sessions 3 et 4, « La révolution scientifique en cours » et « La richesse des cultures de l’humanité et la Renaissance à venir », ont donné lieu à des discussions passionnantes entre les orateurs et le public. Nous y reviendrons la semaine prochaine.